Se souvenir
Face à l’hécatombe causée par la Première Guerre mondiale, les Français ressentent le besoin de rendre hommage à leurs morts. Entre 1920 et 1925, une vague de monuments déferle dans une grande partie des villes et des villages français.
Les monuments aux morts
Sur les huit millions d’hommes envoyés au combat, 1 375 800 sont morts ou sont portés disparus, 4 266 000 ont été blessés, 537 000 ont connu la captivité. Rendre hommage au courage des hommes morts pour la défense de la patrie apparaît vite comme une évidence et c’est ainsi que, par la loi du 25 octobre 1919, le Parlement décide l’érection dans chaque commune d’un monument aux morts. Son financement est assuré par une subvention étatique accordée par le préfet, et par un comité local chargé de récolter d’autres fonds. Les monuments aux morts se veulent les témoins de pierre du deuil et de la reconnaissance de ceux qui ont survécu. Ces monuments permettent à la population de faire son deuil publiquement, l’aidant à supporter la mort des proches, montrant que les disparus ne sont pas morts en vain. Entre 1920 et 1925, une véritable vague de monuments recouvre toute la France avec plus de 30 000 édifices construits, dont 1 500 en Poitou-Charentes.
Le monument aux morts de Parthenay (Deux-Sèvres)
Dans la cour du collège Marchioux à Parthenay, le monument au morts est inauguré le 9 mars 1924. Construit dans l’école normale, il rend hommage aux instituteurs partis combattre au front. Il est érigé grâce aux souscriptions et à quelques subventions, à l’initiative d’anciens normaliens du département. C’est d’ailleurs un ancien normalien qui réalise la maquette de l’édifice. Un tailleur de pierre espagnol se charge de la construction. Le monument présente plusieurs allégories : un coq gaulois symbolise la France, et une femme en pleurs (posant son front sur l’inscription « Aux instituteurs des Deux-Sèvres morts pour la France ») incarne la République qui pleure ses morts. Debout, de dos et pieds nus, elle porte une robe ample. Des boucliers et des épées représentent les armées défensives et offensives de la guerre, la force militaire. Sur la face droite, les noms des instituteurs décédés sont inscrits, accompagnés d’une représentation de la croix de la Légion d’honneur suspendue à une couronne de chêne et de laurier, symbole de victoire. Sur la face gauche, une croix de guerre est représentée avec un médaillon portant la République, symbolisée par son bonnet phrygien.
Le monument de Chabanais (Charente)
Dressé sur la place de la commune, en face de l’église, lieu stratégique car très fréquenté, ce monument funéraire glorifie le sacrifice des morts. Il est construit en 1926 par Georges Delperier, sculpteur local. La femme sculptée est une allégorie de la République. Symboles de la victoire (palmes, branches de chênes et de laurier) dans la main, coiffée d’un voile de veuve porté sur un bonnet phrygien, cette Marianne pleure les soldats morts, représentés par un casque de poilu. La stèle est ornée de roses qui symbolisent le deuil.
- Le monument aux morts de Parthenay, dans les Deux-Sèvres, en l’honneur des instituteurs morts pendant le conflit, est un des 1 500 monuments que compte le Poitou-Charentes. (Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel / R. Jean, 2008.)
- Un détail du monument, la croix de guerre avec le médaillon représentant le profil de la République avec bonnet phrygien. (Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel / R. Jean, 2008.)
- Le monument aux morts de Chabanais, en Charente. (Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel / Gilles Beauvarlet, 2008.)
D’autres hommages…
D’autres témoignages du conflit et de l’hommage rendu aux soldats sont visibles sur certains vitraux d’églises de la région : à Cognac en Charente (église du Sacré-Coeur), le peintre verrier bordelais Marcel Feur a représenté, en 1923, des soldats partant au combat sous la protection du Sacré-Cœur, de Jeanne d’Arc et de saint Louis ; à Saint-Gervais-les-Trois-Clochers dans la Vienne ont été figurés des notables locaux morts glorieusement au champ d’honneur ; à Puilboreau, des images de Poilus sont placées sous la protection de la Vierge au travers de l’inscription « Notre-Dame des Tranchées, acceuillez [sic] l’âme de nos morts. Veillez sur nos vivants » ; ou encore à Mignaloux-Beauvoir (chapelle de Beauvoir), des Poilus invoquent l’aide de Jeanne d’Arc apparaissant armée et cuirassée au-dessus d’un champ de bataille ; instrument de la justice divine, elle est accompagnée de l’inscription suivante : « Les hommes d’armes batailleront et Dieu donnera la victoire ». Il existe aussi de nombreux témoignages peints ou sculptés, visibles dans les églises. Dans la Vienne, à Saint-Sauvant, une toile peinte en 1916 (signée de J. Blourde) figure la Vierge dirigeant ses rayons protecteurs vers un Poilu debout dans une tranchée ; à Saint-Secondin, une plaque présente 15 portraits de soldats morts au combat ou des suites de leurs blessures ; à L’Isle-Jourdain, un monument sculpté montre l’image d’un ange remettant à un soldat la couronne glorieuse des martyrs, au-dessus de l’inscription « Pro Patria ». Dans les Deux-Sèvres, à Nueil-les-Aubiers, Henri Charlier a sculpté un bas-relief représentant un Poilu mort qu’une femme tenant le flambeau de la liberté recouvre du drapeau tricolore.
… et d’autres objets
Parfois ce sont les objets mêmes de la guerre qui appellent au souvenir. De nombreux obus sont réutilisés et composent certains monuments aux morts, comme celui insolite de Noirterre, dans les Deux-Sèvres. Les douilles des obus transformées en vases, ciselées et gravées par les soldats entre les assauts, sont aujourd’hui conservées dans les familles ou les églises. Ainsi, celle de Vouneuil-sous-Biard dans la Vienne abrite deux vases qui portent la date de 1917, les lettres SB (initiales du soldat ?) ainsi que les noms de Réméréville et d’Erbéviller, lieux de bataille de 1914 où a certainement combattu ce soldat.
- Détail de la grande verrière de l’église du Sacré-Cœur à Cognac, en Charente, réalisée par le peinture verrier bordelais Marcel Fleur, en 1923. (Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel / M. Hermanowicz, 1990.)
- Détail d’une des verrières dans l’église de Buxeuil, dans la Vienne, en hommage à Henri Le Brecq, mort au champ d’honneur. (Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel / T. Allard.)
- Détail d’une des verrières dans l’église de Buxeuil, dans la Vienne, en hommage à Gabriel Beauvais, mort au champ d’honneur. (Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel / T. Allard.)
- Toile peinte en 1916, par J. Blourde, dans l’église de Saint-Sauvant dans la Vienne. (Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel / T. Allard.)
- Tableau d’honneur de soldats morts au combat, dans l’église de Saint-Secondin, dans la Vienne. (Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel / T. Allard.)
- Vases réalisés à partir de douilles d’obus ciselées et gravées, dans l’église de Vouneuil-sous-Biard, dans la Vienne. (Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel.)